Trois infographies qui montrent la lenteur de la justice française

En quelques jours, un homme et une femme mis en cause dans des affaires criminelles, le meurtre d’un policier pour le premier et l’assassinat de son dernier mari pour la seconde, ont été libérés. A chaque fois, c’est le non-respect du « délai raisonnable » dans le traitement d’une procédure qui est en cause.

Un symbole de la justice sur le frontispice du tribunal de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 16 avril 2015.
Un symbole de la justice sur le frontispice du tribunal de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 16 avril 2015. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Condamnée à trente ans de réclusion en 2014 pour avoir tué son dernier mari, Manuela Gonzalez, surnommée la « veuve noire de l’Isère », attendait d’être rejugée en appel. Après cinq ans et trois mois de détention provisoire, elle a été libérée, lundi 21 septembre. Rajeswaran Paskaran, qui a écopé de vingt ans de prison en première instance pour le meurtre d’un policier, se préparait lui aussi pour un nouveau procès aux assises. Incarcéré depuis six ans, il a lui aussi été relâché, mercredi 16 septembre.

A chaque fois, la justice a estimé que le principe du « délai raisonnable » n’avait pas été respecté. Ces deux affaires criminelles relancent un vieux débat, celui de la lenteur de la justice française, que francetv info illustre avec trois infographies.

La durée des procédures criminelles s’allonge…

La justice est trop lente. C’est le reproche adressé par la quasi-totalité des Français (95%) à l’institution, à en croire une enquête Ipsos de 2013 (en PDF)… réalisée pour le compte du ministère de la Justice lui-même. « L’emblème de la justice est la balance, cela pourrait être l’escargot », ironisait d’ailleurs Dominique Verdeilhan, le spécialiste des tribunaux de France 2 sur son blog, en 2012.

Ces récentes affaires étonnent donc peu les magistrats. « Toutes les cours d’assises sont concernées par ces délais extrêmement longs, estime Virginie Duval, la présidente de l’Union syndicale des magistrats, interrogée par l’AFP. On sait que la Drôme et l’Isère auraient une centaine de dossiers en stock et on ne peut pas faire passer plus de sept à huit procès par session de trois semaines. » « Il est clair que cela coince dans certaines juridictions parce qu’elles n’ont pas les moyens de fonctionner », abonde Françoise Martres, la présidente du Syndicat de la magistrature.

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Ce sentiment de lenteur est confirmé par les statistiques officielles. Dans les affaires criminelles, il s’écoule en moyenne 37,9 mois – soit tout de même plus de trois ans – entre le début de l’instruction et l’audience de première instance, d’après les plus récents chiffres du ministère de la Justice. S’ajoute plus d’une année et demie entre la première instance et l’appel. Et la tendance est plutôt à l’augmentation ces dix dernières années.

« L’introduction de l’appel aux assises [en 2001] a aggravé la situation car les moyens n’ont pas été augmentés en proportion », explique Virginie Duval. Pour elle, « tant qu’on n’aura pas une volonté politique forte pour dire : la justice est submergée et ne peut plus faire face à ses missions, cela ne changera pas. » Rien d’étonnant donc à ce que la France soit régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour ses manquements au respect du « délai raisonnable », comme le rappelle Françoise Martres.

… Celle des détentions provisoires aussi

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Si certains prévenus ou accusés comparaissent libres, d’autres sont placés en détention provisoire, par exemple pour empêcher d’éventuelles pressions sur des témoins, prévenir leur fuite ou éviter qu’ils ne commettent de nouvelles infractions.

Dans ce cas, l’attente en prison peut être longue, notamment dans les affaires criminelles, à en croire les statistiques officielles. Parmi les personnes placées en détention provisoire et condamnées pour crime en 2013, la moitié (51,8%) avait passé plus de deux ans derrière les barreaux avant d’obtenir une décision de la justice. Pour une proportion non négligeable, 18,4%, la détention provisoire avait même dépassé les trois ans.

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Là encore, la tendance est à l’augmentation, selon les données publiées par la Commission de suivi de la détention provisoire (en PDF), qui a retracé son évolution historique. Certes, le recours à la détention provisoire avant une condamnation pour crime « est moins systématique au début des années 2000 qu’au milieu des années 1980 », observe la commission, mais sa durée moyenne augmente : on emprisonne moins, mais plus longtemps.

En 1984 et en 1994, la majeure partie des condamnés pour crime placés en détention provisoire y passait moins de deux ans. Les détentions provisoires longues, de plus de deux ans, étaient déjà nombreuses, mais rien à voir avec les proportions atteintes aujourd’hui. « La limitation de la durée de la détention provisoire est un point crucial sur le plan des principes européens qui s’imposent à la France », note la commission. Autrement dit, si l’Hexagone veut éviter d’être condamné, peut-être faut-il accorder davantage d’importance au respect de ce fameux « délai raisonnable ».

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