Twitter, outil pour juridictions en mal de communication ?

Dans la foulée de sa prise de fonction à la cour d’appel de Douai, fin septembre 2014, le juge Bruno Cathala a lancé le compte twitter officiel de la première présidence. Une initiative unique en France, semble-t-il. Selon Bruno Cathala, communiquer est l’une des responsabilités des juges.

 La rédaction : Pourquoi avoir ouvert ce compte twitter de la première présidence de la cour d’appel de Douai (@PP_CA_Douai) ?

Bruno Cathala : La raison principale est la nécessité pour l’institution judiciaire de communiquer sur ce qu’elle fait. Si nous ne le faisons pas, d’autres s’en chargeront. Alors, je préfère que la cour diffuse les informations exactes. D’où m’est venue cette idée que les juridictions doivent communiquer ? J’ai travaillé pendant sept années dans les juridictions pénales internationales et, notamment, deux ans au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Aucune communication sur cette juridiction n’était prévue. Alors, c’est Milošević qui s’en est chargé et évidemment pas de manière positive. De plus, l’une de mes attributions, en qualité de greffier, c’est-à-dire secrétaire général, de la Cour pénale internationale, était la communication. Dans ce cadre, j’ai réfléchi à cette relation entre le judiciaire et la communication. Depuis, communiquer me semble être l’une de nos responsabilités.

La rédaction : D’autant plus que les juridictions du fond de l’ordre judiciaire sont plutôt mal loties, au niveau de la communication sur internet, non ?

Bruno Cathala : Soyons clairs, elles sont très mal loties. Il nous manque des outils de communication. La cour d’appel de Douai n’a pas encore de site internet [ndlr : comme la plupart des juridictions du fond de l’ordre judiciaire], pour des raisons qui ne dépendent pas d’elle. Il semblerait que le ministère de la justice mène une réflexion sur le format des sites internet des cours et des tribunaux. Le site internet, c’est la base de la communication. En l’absence d’un tel site, nous avons commencé par twitter.

La rédaction : Avez-vous demandé l’autorisation de la Chancellerie avant d’ouvrir ce compte ?

Bruno Cathala : Non.

La rédaction : La cour d’appel de Douai semble être l’unique juridiction du fond de l’ordre judiciaire à avoir un compte twitter officiel, comment l’expliquez-vous ? Certains magistrats ne partagent peut-être pas votre avis sur la nécessité de communiquer ?

Bruno Cathala : Effectivement, il existe peut-être des visions différentes sur cette question. Il me semble qu’aujourd’hui, il y a plus d’avantages que d’inconvénients à communiquer. Les juridictions judiciaires ont de vraies difficultés dans ce domaine. Nous ne sommes pas formatés pour ça, nous ne savons pas communiquer.

La rédaction : Vous êtes donc un précurseur dans ce domaine ?

Bruno Cathala : Le terme précurseur n’est pas adapté. Ma volonté est de faire en sorte que la justice communique. À chacun d’utiliser les outils qui lui conviennent. Pour ma part, je pense que l’on a besoin aujourd’hui de réponses assez rapides, et twitter est très bien pour ça. 140 caractères, ça oblige à être succinct, précis. Dans le ressort de la cour d’appel de Douai, quelques magistrats ont des comptes twitter. Les créations se développent depuis que notre compte est né. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Douai a ouvert le sien récemment [ndlr : @egajvpr].

La rédaction : À qui s’adresse votre compte et quel type d’informations y postez-vous ?

Bruno Cathala : En premier lieu, il est destiné aux professionnels : toutes les professions juridiques et judiciaires ainsi que les journalistes s’intéressant à la chose judiciaire. Nous y parlons des événements qui font la vie juridique et judiciaire de la cour d’appel de Douai et des juridictions de son ressort [ndlr : réunions, mouvements au sein des juridictions, travaux, etc.]. Nous diffuserons les dates des procès d’assises quand elles seront fixées. Ces informations sont difficiles à obtenir pour les journalistes, nous voulons faciliter leur travail. Et quand la cour d’appel aura son site internet, nous posterons aussi sur twitter des liens vers certaines de nos décisions. Pour le moment, les informations diffusées sont donc un peu techniques, ce n’est pas un compte très amusant. Mais le grand public n’est pas notre cible privilégiée.

La rédaction : Il s’agit du compte de la première présidence de la cour d’appel de Douai. Pourquoi ne pas avoir créé un compte unique de la cour d’appel ?

Bruno Cathala : Parce que nous n’avons pas la même communication au siège et au parquet. Nous ne voulions pas engager M. le procureur général sur les informations diffusées.

La rédaction : Il y a deux ans, vous avez créé un compte twitter à votre nom. Il compte aujourd’hui plus de 1 000 followers. Qu’est-ce qu’il vous apporte en tant que magistrat ? 

Bruno Cathala : Je reçois des informations que je ne recevrais pas sans être sur twitter. Ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir y avoir une parole sur la justice en tant que professionnel de la justice. Mon seul objectif est de faire progresser la réflexion en participant au débat public.

source : dalloz-actualite.fr
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