Un nouvel outil pour protéger les femmes victimes de violence

Afin de protéger les femmes en très grand danger, la ministre de la Justice, le ministre de l’Intérieur et l’ancienne ministre du Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports ont décidé de déployer un téléphone d’alerte sur l’ensemble du territoire. Nathalie Riomet, magistrate, chef du service chargé notamment de l’aide aux victimes, revient sur le dispositif.

 

Pourquoi a-t-on créé un téléphone  »Très Grand Danger » ?

Nathalie Riomet (NR) : En 2013, 121 femmes sont décédées à la suite de violences conjugales, soit une femme tous les trois jours, chiffre en baisse par rapport à l’année précédente (148 femmes en 2012). Dans près de 20% des homicides, les violences conjugales sont en cause. Selon les chiffres publiés en juin 2013 par l’Organisation Mondiale de la Santé à Genève, pas moins de 38% du total des meurtres de femmes sont commis par leurs partenaires dans le monde. Et 23 enfants ont été témoins d’un tel crime, contre 20 en 2012.

Le dispositif  »Très Grand Danger » répond à un double objectif, empêcher le passage à l’acte et sécuriser les femmes et les enfants en très grand danger. Une première expérimentation a été mise en place en 2009 dans le département de la Seine-Saint-Denis à la suite d’une étude départementale sur les  »féminicides », c’est-à-dire le meurtre d’une femme par son conjoint, qui avait révélé l’insuffisance de la protection accordée aux femmes exposées à une situation de grave danger, liée à l’existence de violences conjugales.

Quelle est sa spécificité par rapport à un autre téléphone ?

(NR) : Il dispose d’une touche spécifique, qui est un bouton d’appel d’urgence préprogrammé, accessible facilement et intuitivement par l’utilisateur, permettant une mise en relation automatique et directe avec le service de téléassistance. Il n’est pas identifiable comme dispositif de téléassistance pour des raisons de sécurité. Le  »téléassisteur » appelé par la victime est chargé d’évaluer la situation et de lever le doute.

En cas de danger avéré, il demande immédiatement, via un canal dédié à la salle de commandement opérationnelle de la police et de la gendarmerie, l’intervention des forces de l’ordre, lesquelles dépêchent une patrouille qui se rendra auprès de la victime, sans délai. Le téléphone peut permettre une géolocalisation. Dans les autres cas, le  »téléassisteur » peut orienter la victime vers l’association compétente localement. Les prestations de téléassistance sont assurées 24h sur 24h en mode 7j/7.

 Quelle est l’innovation principale ?

(NR) : Lors de la mise en relation directe avec une plateforme de téléassistance, le bénéficiaire est immédiatement identifié par le téléopérateur qui possède déjà des éléments d’information sur lui et peut déclencher l’intervention des forces de l’ordre dans les meilleurs délais. Ce téléphone est conçu comme un dispositif d’urgence pour améliorer la protection des personnes en très grave danger et notamment des femmes. Il procure un sentiment de sécurité pour la victime qui est relié en permanence au  »téléassisteur » tout en favorisant d’emblée un travail d’accompagnement de la victime. Les retours des bénéficiaires sont très positifs : sur le sentiment de sécurité que procure le dispositif, sur l’écoute du  »téléassisteur », sur le suivi de l’association et sur les interventions et la réactivité des services de la police ou de la gendarmerie.

Le téléphone  »Très Grand Danger » s’inspire-t-il d’un dispositif existant dans d’autres pays ?

(NR) : Il s’inspire d’une loi adoptée en 2003 en Espagne. La direction nationale de la Police espagnole et le ministère des Affaires sociales avaient décidé de mettre à la disposition de la Justice des téléphones dotés d’un système de localisation GPS. Ils permettaient aux femmes en danger de contacter immédiatement la police et d’être localisées.

 Pourquoi la lutte contre les violences au sein du couple est-elle un enjeu majeur ?

(NR) : La Garde des sceaux s’est fortement engagée dans la lutte contre les violences intra-familiales dont sont le plus souvent victimes des femmes. Elle a encouragé une politique volontariste favorisant une prise de conscience de la société en raison de l’impact sur les victimes mais aussi sur ceux qui en sont témoins, en particulier les enfants. Cette politique est devenue un enjeu de santé publique majeur car si les violences physiques sont faciles à repérer, les plus graves sont psychologiques. Les conséquences sur le devenir de la victime peuvent laisser des marques indélébiles. C es violences ne doivent pas être considérées comme une fatalité et tous les moyens doivent être mis en œuvre pour les combattre.

source : Ministère de la Justice
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