«Face à une demande de justice en constante augmentation, et l’engorgement des tribunaux qu’elle implique, le développement de la médiation est devenu une alternative incontournable», selon le Conseil d’Etat, qui a signé mercredi une convention avec le Conseil national des barreaux pour la développer dans les litiges administratifs.
La médiation permet d’éviter un procès qui peut prendre des années et coûter fort cher aux justiciables. Les parties qui s’opposent tentent de parvenir à un accord afin de résoudre à l’amiable leur litige, avec l’aide d’un tiers, le médiateur. Ce dernier «aide les parties à trouver par elles-mêmes la solution à leur différend», explique Catherine Leclercq, avocate et médiatrice depuis 3 ans. «Il faut beaucoup de psychologie, poser les bonnes questions pour essayer de régler le conflit.»
Le tribunal de grande instance de Créteil mise lui aussi sur ce mode de règlement à l’amiable. «La justice civile, familiale, commerciale et sociale est au bord de l’asphyxie. (…) Il est urgent de repenser les modes d’intervention dans le règlement des litiges et de développer de manière significative les modes amiables de résolution des différends», préconise mercredi le TGI dans un communiqué.
La Chancellerie a envoyé en octobre un questionnaire aux magistrats afin de les sonder sur les réformes prioritaires de la justice. Une place importante est accordée à la médiation dans le questionnaire sur la procédure civile : Faut-il «une généralisation de la tentative de résolution amiable ?», interroge notamment le ministère.
Le mouvement de déjudiciarisation s’est accéléré le 1er janvier avec la réforme du divorce par consentement mutuel. Plus de besoin de passer devant le juge aux affaires familiales : une convention de divorce, contresignée par les avocats des deux parties et enregistrée chez un notaire, suffit.
Dans les affaires familiales, l’expérimentation d’une «tentative de médiation préalable obligatoire» est en cours dans onze TGI.
– «Un pays du conflit» –
La France n’est cependant pas en avance sur le sujet. C’est «très peu développé par rapport à l’Angleterre, où 85% des conflits en droit du travail sont résolus par un système de médiation / conciliation paritaire», explique Fabrice Vert, premier vice-président du TGI de Créteil. «C’est culturel : on est un pays du conflit alors que les Anglo-saxons sont plus dans le compromis.»
Les partisans de la médiation dressent une liste d’avantages. Le gain de temps en tête. Dans la justice administrative, plus de 260 médiations ont été lancées entre avril et octobre 2017. Plus de 60% affaires ont été réglées dans un délai de 3 à 4 mois alors que le délai de jugement moyen dans les tribunaux administratifs est de un an et 10 mois, sans compter les délais d’appel.
Pour Me Leclercq, dans les litiges entre entreprises, une médiation prend en moyenne entre 15 et 20 heures, contre souvent plusieurs années devant les tribunaux.
Le coût est souvent moins élevé que dans une procédure classique, devant le juge, notamment grâce à ce délai raccourci, qui limite les honoraires des avocats. Les deux parties partagent les honoraires du médiateur, très variables selon les affaires et le médiateur. Les justiciables à faibles revenus peuvent avoir accès à l’aide juridictionnelle dans les affaires familiales.
La médiation permet aussi de «responsabiliser» les parties, «car ce sont elles qui décident de la solution mettant fin à leur conflit», selon Fabrice Vert.
La formation des médiateurs fait cependant débat. «Les seuls auxquels on exige des diplômes sont les médiateurs en matière familiale, qui ont des examens à passer et des mises à niveau. Pour les autres, il n’y a rien, on est dans le brouillard», déplore Pascale Loué-Williaume, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Ce syndicat demande une professionnalisation de cette fonction.