En septembre dernier, la cérémonie de rentrée solennelle du tribunal de grande instance de Valence ne s’était, pour la première fois depuis des lustres, pas terminée par le traditionnel cocktail offert aux élus et aux autorités départementales.
Le président du TGI l’avait “avoué”, le budget de son tribunal ne le permettait plus. Une anecdote qui révélait alors une réalité bien plus profonde et problématique.
La Justice et la police risquent-elles un “shutdown” à l’américaine ? Formulée ainsi, la question peut paraître un peu excessive. Pourtant elle se pose réellement et, dans la compagnie judiciaire drômoise, les représentants syndicaux de l’USM (Union syndicale des magistrats) comme du SM (Syndicat de la magistrature) n’excluent pas totalement un “shutdown” au TGI de Valence d’ici la fin de l’année.
Le TGI de Valence n’est pas à l’abri d’une rupture de stock de papier
« Au plan national, quelque 390 millions d’euros resteront à payer au 31 décembre prochain au titre des frais de justice (médecine légale, expertises, écoutes, etc). 390 millions qui manqueront donc au budget 2014. », explique Dominique Dalègre, magistrat à Valence et membre de l’USM.
« Sur le ressort de la cour d’appel de Grenoble (dont dépend le TGI de Valence, NDLR) ce reste à payer sera d’environ un million d’euros », ajoute le magistrat. Et dans la Drôme, ce reste pourrait donc s’élever à plus de 100 000 euros.
« L’effet concret de cette situation est que, depuis ce mois d’octobre, les factures ne sont plus transmises à la cour d’appel (chargée de les régler). Les experts mandatés par la justice sont par conséquent payés avec 3 à 6 mois de retard. Et lorsqu’une nouvelle enveloppe budgétaire arrive, elle disparaît très vite dans les règlements les plus urgents comme le défraiement des jurés par exemple.»
« La cessation des paiements des factures menace »
« On risque donc d’avoir de plus en plus de mal à trouver des experts alors même que la loi est de plus en plus contraignante, certaines expertises étant obligatoires selon les procédures », explique Florence Bouvier du Syndicat de la Magistrature.
Et le problème est identique concernant le budget de fonctionnement. Là encore, les factures sont honorées avec difficulté.
« Nous pourrions bien être en rupture de stock de ramettes de papier (papier sur lequel sont rédigés les jugements, NDLR) avant la fin de l’année », ajoute Dominique Dalègre. Et les exemples sont légion, comme ce changement subit d’éditeurs des codes (civil et autres) parce que moins cher.
Les deux magistrats l’affirment, leur travail est rendu de plus en plus compliqué par ce manque de moyens financiers. « D’autant que l’on nous attribue sans cesse de nouvelles missions comme, par exemple, le contrôle encore plus fréquent des hospitalisations d’office », souligne M. Dalègre.Les deux magistrats valentinois le disent. « La situation s’aggrave. Au-delà des problèmes d’effectifs qui existent depuis des années, le manque de moyens financiers gêne réellement l’action de la justice et si les salaires sont évidemment réglés, la cessation des paiements des factures menace. »